Date de publication : 31 juillet 2025
Les banques centrales du Canada et des États-Unis ont annoncé mercredi leurs décisions respectives concernant leur taux directeur. Conformément aux attentes du marché, la Banque du Canada (BdC) a maintenu son taux à 2,75 % pour une troisième réunion consécutive, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) a conservé une fourchette comprise entre 4,25 % et 4,50 %.
La BdC semble banaliser l’inflation
La banque centrale canadienne explique sa récente décision en invoquant la menace persistante de nouveaux droits de douane sectoriels. Elle évoque également les incertitudes considérables qui ressortent de son Rapport sur la politique monétaire.
Malgré la pression à la hausse sur l’inflation et l’instabilité politique aux États-Unis, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, s’est montré optimiste en point de presse. « Les droits de douane américains ont perturbé le commerce dans les grandes économies et cela ralentit l’expansion à l’échelle mondiale, mais dans une moins grande mesure que prévu », précise-t-il.
Voici quelques observations formulées par la BdC dans son plus récent Rapport sur la politique monétaire :
Dans son rapport, la Banque du Canada semble négliger des facteurs cruciaux tels que la poussée des coûts, les effets antérieurs de l’assouplissement monétaire sur l’inflation (ces pressions défavorables sur les coûts étant incompatibles avec la stabilité des prix) et les facteurs structurels qui influencent la dynamique du marché du travail canadien. Selon son analyse, tout s’explique par la croissance du PIB réel par rapport au potentiel, qui n’est pas observée, mais estimée par la banque centrale, et donc basée sur l’écart de production.
En réalité, l’inflation ne découle certainement pas d’un seul facteur. Nous nous demandons donc comment le gouverneur de la Banque concilie son estimation de l’excédent de l’offre dans l’économie canadienne, qui s’est détériorée depuis avril, avec la reflation observée dans ses deux mesures privilégiées (l’IPC-méd et l’IPC-tronq). En fait, les deux mesures de l’IPC de base privilégiées par la Banque du Canada ont clairement montré une forte reflation en 2025, ce qui est incompatible avec une économie en situation d’offre excédentaire.
La BdC semble accorder trop d’importance à l’IPC de base traditionnel et trop peu aux deux mesures qu’elle privilégie. L’IPC traditionnel est nettement inférieur à ces deux mesures, et la Banque a de nouveau réagi fortement sur la base de cet indice des prix. En fait, elle semble trop encline à blâmer les droits de douane plutôt que sa propre contribution, à savoir une politique monétaire rapide et substantielle pour lutter contre cette inflation d’environ 3 %.
La Fed restreint son analyse du marché du travail
La banque centrale américaine a justifié sa décision de maintenir son taux directeur inchangé en invoquant une croissance économique modérée et une grande incertitude quant aux perspectives. Elle souligne également le faible taux de chômage et la solidité du marché de l’emploi. Toutefois, la Fed note que le Federal Open Market Committee (FOMC) continuera à suivre de près les implications des informations reçues pour les perspectives économiques.
Lors de la conférence de presse qui a suivi l’annonce de la politique monétaire, le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que « la hausse des droits de douane a commencé à se répercuter plus clairement sur les prix de certains biens, mais leur incidence sur l’inflation et l’économie reste à voir. Les effets sur l’inflation pourraient être de courte durée, mais il est possible qu’ils persistent ».
L’annonce de la décision de la Fed n’était pas assortie d’une mise à jour de ses prévisions économiques. Voici quelques points clés relatifs à cette décision :
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Les chiffres de l’inflation demeurent supérieurs à l’objectif de 2 % de la banque centrale.
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Les nouvelles données du PIB ont montré que l’économie a progressé de 3 % entre avril et juin.
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Les pressions inflationnistes ont été légèrement plus fortes que prévu.
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Pour la première fois depuis 1993, deux gouverneurs de la Fed se sont opposés à la décision majoritaire.
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Le FOMC prévoyait deux baisses de taux d’intérêt pour 2025 en décembre.
Le président Powell soutient que les conditions du marché du travail américain restent fortes, ce qui ne correspond pas à notre interprétation des données. Au cours de la séance de questions-réponses, il a même déclaré que « la conjoncture est équilibrée dans l’ensemble ». Très peu de secteurs sont toutefois en mesure de créer des emplois. S’il est vrai que, dans l’ensemble, l’écart du marché du travail est équilibré, cette analyse ne tient compte que des données du marché du travail relatives à la quantité.
L’écart du marché du travail compare l’offre (emploi + chômage) et la demande de main-d’œuvre (emploi + offres d’emploi) en pourcentage, sur la base de millions de personnes. L’offre de main-d’œuvre atteint désormais 170,4 millions de personnes, tandis que la demande s’élève à 170,8 millions, soit un écart de seulement 400 000 personnes, ce qui peut être qualifié d’équilibre global, mais uniquement sur le plan de la quantité. Il en va de même pour le taux de chômage, qui n’est calculé qu’à partir de certaines données du marché du travail (chômeurs/population active).
Concernant la répartition ultérieure des hausses tarifaires répercutées sur les consommateurs, Jerome Powell a déclaré : « Nous ne connaissons tout simplement pas encore la répartition », ce qui est faux. Nous savons que les droits de douane n’ont pas été répercutés de manière considérable sur les consommateurs jusqu’à présent. Le président de la Fed a décidé d’ignorer ce fait et table actuellement sur une augmentation de la répercussion à l’avenir. Si le taux effectif des droits de douane n’augmente pas considérablement à l’avenir, la Fed risque d’être surprise à la baisse en ce qui concerne l’inflation (par rapport à ses dernières prévisions), soit exactement l’inverse de ce que nous avons écrit précédemment pour la Banque du Canada.