Date de publication : 11 décembre 2025
Les banques centrales du Canada et des États-Unis ont toutes deux annoncé mercredi leurs dernières décisions de l’année concernant le taux directeur. Alors que la Banque du Canada (BdC) a décidé de maintenir son taux à 2,25 %, la Réserve fédérale américaine (Fed) a opté pour une baisse d’un quart de point, portant sa fourchette cible entre 3,50 % et 3,75 %.
Décision de la BdC
La banque centrale canadienne justifie sa décision par la résilience des grandes économies mondiales face au protectionnisme américain et à l’incertitude accrue qui en résulte. Comme elle l’indiquait dans son dernier Rapport sur la politique monétaire, la BdC estime que le taux directeur actuel devrait contribuer au maintien de l’inflation près de la cible de 2 % tout en aidant l’économie canadienne à traverser une période « d’ajustement structurel ».
Dans un communiqué de presse, le Conseil de direction de la Banque maintient que l’inflation sous-jacente demeure autour de 2,5 %, précisant désormais que « les mesures restent comprises entre 2,5 % et 3,0 % ».
Nous avons également constaté un changement de ton notable en matière d’emploi : « Le marché du travail canadien montre certains signes d’amélioration. L’emploi a enregistré une nette progression au cours des trois derniers mois et le taux de chômage a reculé à 6,5 % en novembre ». Ces commentaires sont toutefois nuancés par des références répétées aux difficultés observées dans les secteurs sensibles aux échanges commerciaux.
Voici certaines observations formulées par la BdC à l’appui de sa décision.
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L’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), se chiffrait à 2,2 % en octobre.
Optimisme ou aveuglement
La confiance affichée par la BdC à l’égard de l’inflation, notamment de sa capacité à atteindre la stabilité des prix, nous semble pour le moins excessive. La banque centrale s’attend à ce que le fléchissement actuel de l’économie compense en grande partie les pressions sur les coûts liées à la reconfiguration du commerce, maintenant ainsi l’inflation de l’IPC près de l’objectif de 2 %, ce qui nous paraît irréaliste.
Dans les faits, tous les indicateurs d’inflation de base sont élevés et l’IPC de base devrait augmenter d’au moins 0,4 point de pourcentage en avril. La croissance des salaires nominaux étant supérieure à celle de la productivité, une simple augmentation de 0,3 point de pourcentage des marges au Canada suffirait à faire passer l’inflation à 3,0 % plutôt qu’à 2,0 %. Un taux d’inflation de 2,0 % nous semble donc utopique, puisque les investissements au Canada ne conduiront pas à une croissance forte et durable de la productivité.
Une fois de plus, la Banque du Canada s’en tient à son vieux discours selon lequel la dynamique de l’écart de production alimente l’inflation, ce qui, comme nous l’avons démontré à maintes reprises, constitue une erreur de calcul dans le contexte actuel. Accorder une importance disproportionnée à certains facteurs a des conséquences dans le domaine de la politique monétaire.
Décision de la Fed
En abaissant son taux directeur pour la troisième fois consécutive, la Réserve fédérale américaine cherche à soutenir un marché de l’emploi en perte de vitesse. L’inflation persistante et les données économiques tardives ont compliqué sa récente décision, entraînant un désaccord plus important que d’habitude au sein du Federal Open Market Committee (FOMC). Malgré l’absence de données économiques clés de l’administration en raison de la récente paralysie des services publics américains, la Fed indique qu’elle surveille de près le ralentissement de la croissance mensuelle de l’emploi et la hausse de l’inflation.
Le FOMC a également apporté quelques modifications à son communiqué de presse depuis sa dernière décision. Le principal ajustement concerne le ton utilisé pour évoquer le taux de chômage, qui a dépassé les estimations à long terme ces derniers mois. La Fed a essentiellement supprimé la référence aux taux « demeurant bas », signalant aussi une plus grande préoccupation concernant le marché du travail.
Parallèlement à sa décision, la Fed a mis à jour ses projections économiques. Voici quelques points clés concernant cette annonce :
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Les données disponibles indiquent que l’activité économique a progressé à un rythme modéré.
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L’inflation totale et l’inflation sous-jacente ont été révisées à la baisse en 2026.
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Le PIB a également été révisé à la hausse, passant de 1,8 % à 2,3 % en 2026.
Une vision déformée des forces inflationnistes
Examinons la situation dans son ensemble : la Fed a revu à la hausse ses prévisions de croissance, abaissé ses prévisions d’inflation et maintenu son taux de chômage inchangé. Nous sommes toutefois en désaccord avec son analyse sur deux points.
Tout d’abord, la banque centrale américaine anticipe toujours une baisse du taux de chômage. Pour déterminer si ce scénario est le plus probable, nous avons examiné de plus près les taux d’embauche dans le secteur privé ainsi que les taux de chômage, et sommes arrivés à une conclusion complètement différente. Les épisodes précédents ont tous montré des taux d’embauche plus élevés dans le secteur privé qu’auparavant. Il convient également de noter que le taux de licenciement est inférieur à ce qu’il était auparavant, bien que ce ne soit pas exactement ce dont il est question ici.
Deuxièmement, les prévisions de la Fed en matière d’inflation ne correspondent pas à un impact budgétaire transitoire. Le président Powell a admis que certains membres envisagent un scénario dans lequel les droits de douane n’auraient pas seulement un impact budgétaire transitoire (12 mois en termes comptables), mais dureraient plus longtemps. Cette hypothèse implique clairement que certaines entreprises pourraient tirer parti des droits de douane pour répercuter les coûts sur les consommateurs, augmentant ainsi leurs marges.
En réalité, il n’est pas possible d’augmenter l’incidence sur les consommateurs lorsque le marché du travail s’affaiblit au point où le revenu disponible réel ne permet pas une croissance réelle de la consommation supérieure à 1 % sans réduire le taux d’épargne. Un affaiblissement du marché du travail implique une moindre répercussion sur les consommateurs. De plus, les marges bénéficiaires demeurent très élevées, et les données ont indiqué que les entreprises étaient prêtes à absorber une partie des droits de douane.