Date de publication : 5 février 2025
Alors que Donald Trump vient de reporter d’un mois l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur les importations mexicaines et canadiennes, le Canada se retrouve au cœur d’une mêlée commerciale qui aura des répercussions considérables sur son économie, quel qu’en soit le dénouement.
Rectifier les faits
Le président américain prétend que les partenaires commerciaux des États-Unis ont abusé de l’économie américaine en créant des déficits commerciaux qui forcent le pays à subventionner ses échanges commerciaux avec d’autres Nations. Rappelons que dans le cadre d’une subvention, un gouvernement contribue au secteur privé en lui fournissant de l’argent public. Or, il est ici question de transactions économiques entre entreprises privées sans la moindre intervention de l’État, ce qui réfute complètement l’argument de la subvention.
La rhétorique infondée du président va également à l’encontre de la théorie commerciale des avantages comparatifs. Dans les faits, l’importation peut servir l’intérêt mutuel d’un importateur et d’un producteur étranger sur une base microéconomique, car elle constitue la meilleure option pour minimiser les coûts des intrants.
Sur une base macroéconomique, lorsque la somme de toutes ces transactions internationales crée un déficit, il en résulte des ajustements des taux de change, communément appelés « forces du marché ». Tenter d'ajuster la production régionale en ramenant davantage d'usines aux États-Unis par le biais de tarifs douaniers n’est rien d’autre qu’une stratégie fiscale qui fausse les forces naturelles du marché entre les économies.
Deux poids deux mesures
Le report des tarifs ne lève pas la menace de leur imposition et il ne fait aucun doute que de nouvelles négociations s’avéreront nécessaires pour créer un environnement commercial plus stable à moyen terme. Il faut comprendre que le Canada est une petite économie ouverte, dont le ratio des exportations par rapport au PIB se chiffre à 32 %, dont 22 points de pourcentage sont directement attribuables aux États-Unis.
En revanche, l’économie américaine est une grande économie fermée dont le ratio des importations par rapport au PIB est faible (14 %) et dans laquelle le Canada ne détient qu’une part de marché de 13 %. Cela signifie que des tarifs douaniers de 25 % sur les exportations canadiennes, même en excluant le pétrole qui serait taxé à 10 %, auraient d’importantes répercussions sur la croissance du PIB réel du Canada.
Les chiffres sont formels
Les calculs de la Banque du Canada publiés la semaine dernière dans son Rapport sur la politique monétaire, qui comprennent des scénarios fondés sur différentes hypothèses, mènent à une conclusion claire. Des tarifs douaniers de 25 % entraîneraient une récession au Canada au cours de l’année, l’incidence marginale sur la croissance du PIB réel de notre côté de la frontière se chiffrant à -2,5 %. De plus, la perte de production résultant d’une récession alimenterait considérablement le taux de chômage, puisqu’on assisterait à des suppressions d’emplois dans les industries qui dépendent de l’exportation.
L’intensité de l’inflation dépendrait de la rapidité à laquelle elle frappe les consommateurs, c’est-à-dire du fait que les entreprises commencent ou non à subir les effets de la crise sur leurs marges. Dans le pire des cas, la Banque du Canada calcule que l’inflation augmenterait de 0,8 point de pourcentage supplémentaire cette année.
Conclusion
Dans ce contexte, le Canada doit composer avec un scénario économique binaire. La mise en place de tels tarifs entraînerait une récession au Canada, ce qui inciterait probablement la Banque du Canada à procéder à de nouvelles baisses agressives des taux d’intérêt, car la création d’une surcapacité compenserait l’incidence inflationniste directe des tarifs douaniers.
D’autre part, la suppression de ces tarifs importants entraînerait pratiquement un retour à la normale, sans pour autant éliminer l’incertitude à venir. Les investissements des entreprises canadiennes pourraient en subir les pressions, accentuant ainsi notre écart de productivité par rapport aux États-Unis.