Récemment, après une longue ascension, les marchés boursiers ont connu un revirement spectaculaire décrit comme une correction saine et depuis longtemps nécessaire par certains et comme le premier signe inquiétant de bouleversements supplémentaires à venir par d'autres. Dans quelle mesure devons-nous être préoccupés maintenant que les prix des actions et des obligations chutent à l'unisson alors que plus tôt, lorsque la reprise était plus fragile, les pertes subies par l'une de ces catégories de titres avaient tendance à être compensées par les gains réalisés par l'autre catégorie ?

Selon nous, la réapparition de la volatilité et de cette corrélation positive est un signe bienvenu que les marchés financiers se remettent enfin des contrecoups de la longue période de répression financière1 en place depuis la grande récession. Qu'est-ce qui explique que ce changement se produit maintenant? Nous croyons qu'il arrive que les marchés financiers fluctuent bien au-delà de ce que les données fondamentales sousjacentes semblent justifier. Jusqu'à récemment, bon nombre de banques centrales ont maintenu leurs taux d'intérêt à des niveaux artificiellement bas. Ces taux artificiellement bas, qui ont été observés pendant plusieurs années, ont également eu pour effet de réprimer la volatilité normale sur les marchés des actifs risqués. Par exemple, avant la plongée récente, le marché boursier américain affichait une croissance de 34 % depuis les élections présidentielles et n'avait connu aucun recul de plus de 2,8 %. Même si la volatilité était inhabituellement faible, selon la thèse prévalant sur les marchés, la croissance et l'inflation faisaient face à des obstacles durables de sorte que ces faibles taux d'intérêt deviendraient maintenant la nouvelle norme. Maintenant, la question est de savoir quels sont les changements dont a fait l'objet cette thèse pour ranimer la volatilité.

Selon nous, ce contexte est attribuable à l'interaction de deux catalyseurs. Le premier est la perception de plus en plus répandue que les obligations et les actions sont surévaluées et qu'une correction de ces évaluations élevées est depuis longtemps nécessaire. Le deuxième facteur est le consensus grandissant selon lequel la croissance mondiale est plus forte et plus généralisée que selon les attentes antérieures. Dans pareil contexte, cette amélioration de la croissance ne pourra plus réprimer l'inflation et ces politiques monétaires exceptionnellement accommodantes ne sont plus le bon remède.

Compte tenu de cette nouvelle thèse, la résurgence de la volatilité des marchés devrait-elle être interprétée comme indiquant que cette amélioration de la croissance mondiale sera bientôt freinée par l'augmentation des taux d'intérêt ? Cinquante ans plus tôt, Paul Samuelson, économiste célèbre et lauréat du prix Nobel, avait affirmé que les marchés boursiers avaient prédit neuf des cinq dernières récessions. Il soulignait de façon perspicace que les prix des actions se corrigent en prévision d'une récession, mais qu'ils possèdent également une dynamique qui leur est propre, de sorte que les chutes abruptes ne sont pas toujours annonciatrices d'un bouleversement économique.

Au bout du compte, nous croyons que les prix des actifs financiers connaîtront d'importantes fluctuations à mesure que les investisseurs anticiperont ou répondront aux changements marqués au titre de la croissance, de l'inflation et des politiques monétaires, ces éléments ayant une incidence sur les bénéfices, le niveau de liquidité et l'aversion pour le risque. Nous estimons actuellement que les perspectives de croissances sont encore très favorables, que l'inflation n'est plus reprimée, mais qu'elle ne suscite pas non plus d'inquiétude jusqu'à présent et que les politiques monétaires continueront de revenir graduellement à une position neutre qui ne soutient ni ne restreint l'activité économique. Dans un tel environnement, des forces en opposition généreront davantage de volatilité qu'auparavant, étant donné que les bénéfices continuent de croître, mais que les taux d'intérêt augmentent, bien qu'à un rythme modéré. Ce contexte continue de favoriser le rendement des actions plutôt que celui des obligations. Si l'inflation devient plus préoccupante et qu'elle incite les banques à accélérer les hausses des taux, l'avance des marchés boursiers et de l'économie pourrait subir des revers importants. En attendant, il faut s'attendre à ce que la volatilité normale des marchés se manifeste alors que l'économie mondiale s'éloigne de la Grande Récession et que l'économie américaine est en voie de connaître la plus longue reprise de son histoire.

1La répression financière est caractérisée par un contexte où les taux d'intérêt sont maintenus à des taux artificiellement bas, de façon à contenir les rendements sur les placements.

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