Date de publication : 12 mai 2025


En octobre 2024, le milieu de l’investissement responsable s’est rendu à Toronto pour la conférence PRI in Person, où le réseau des Principes pour l’investissement responsable (PRI), développé par les Nations unies, se réunissait afin d’échanger et promouvoir des pratiques exemplaires. Addenda Capital, la Coalition des grands projets des Premières Nations (FNMPC) et le Conseil de gestion financière des Premières Nations (CGF) ont profité de l’occasion pour réunir des dirigeants autochtones, des émetteurs de titres de créance, des propriétaires d’actifs et des chefs de file de la finance durable dans le cadre d’une table ronde ciblée.
Selon les règles de Chatham House, les participants ont eu l’occasion d’apprendre, d’interagir et de partager des idées sur la façon de tirer parti du succès du marché des obligations vertes et durables afin de répondre aux besoins de financement des peuples autochtones. Ils ont examiné la possibilité de développer un cadre de référence pour les obligations durables autochtones afin de susciter l’intérêt des investisseurs et de mobiliser des capitaux, tout en veillant à ce que les fonds soient consacrés au financement de projets présentant des avantages pour les communautés autochtones.
Cette discussion sans précédent a conduit à l’élaboration d’un document de travail complet et de trois articles portant sur les aspects clés de cette initiative. Les deux articles précédents portaient sur les enjeux liés à la finance autochtone ainsi que sur les leçons à tirer de l’émergence des obligations vertes.
La mise en place d’un cadre de référence pour les obligations durables autochtones requiert la création de principes fondamentaux par les titulaires de droits autochtones, notamment au moyen d’une consultation élargie dans l’esprit du consentement libre, préalable et éclairé. Les recommandations qui suivent visent à concrétiser cette idée.
Principes fondamentaux
Lors d’une table ronde, les Nations et les organisations autochtones, les investisseurs, les émetteurs et les intervenants du marché ont relevé les éléments clés suivants pour l’élaboration d’un cadre d’obligations durables autochtones :
- Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) et réconciliation en tant que principes fondamentaux : Les titulaires de droits autochtones (par exemple, les conseils de bande, les nations signataires de traités modernes, etc.) ou leurs délégués doivent diriger l’élaboration du cadre des obligations conformément aux principes du CPLE et de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) - « Rien sur nous sans nous ».
- Principes et flexibilité : Il importe de développer une approche souple fondée sur des principes, plutôt que sur des prescriptions, et d’apporter davantage de clarté au fil du temps. Cette mesure permet de préconiser la mise à l’essai et une approche axée sur l’apprentissage, notamment dans le cadre de premières émissions.
- Accès ouvert à toute entité : Les obligations peuvent être émises par toute entité investissant dans des projets bénéficiant aux autochtones - peuples ou nations autochtones, entreprises autochtones ou non, institutions financières, sociétés, banques de développement ou entités gouvernementales.
- Transparence : Il importe de rendre compte des avantages dont bénéficient les communautés ou les titulaires de droits autochtones aux acheteurs d’obligations.
- Deuxième avis de tiers (DAT) : Ces avis sont désormais essentiels pour assurer la qualité des obligations vertes et le seront également à terme pour les obligations autochtones. Le consensus de la table ronde laissait toutefois entendre que les fournisseurs de DAT n’ont peut-être pas encore acquis l’expertise ni les connaissances nécessaires à cette fin, du moins avant que le marché n’ait procédé à quelques émissions pilotes. Une formation et un renforcement des capacités des fournisseurs de DAT seront nécessaires en vertu du nouveau cadre. Il importera que les personnes responsables de la certification et des audits soient des titulaires de droits autochtones ou qu’elles soient endossées par de tels titulaires de droits.
Principales mesures à prendre
Les tables rondes ont permis de recenser trois mesures essentielles pour concrétiser ce cadre :
Mesure 1 : Construire un consensus autochtone, socialiser les parties prenantes non autochtones et obtenir de la rétroaction de celles-ci
- Favoriser l’engagement et recueillir de la rétroaction auprès :
- d’un vaste éventail de détenteurs de droits autochtones et d’organisations autochtones; et
- d’une représentation étendue du domaine de la finance, des émetteurs d’obligations, des agences de notation, de la finance durable et des intervenants du marché
- Encourager l’émission d’obligations autochtones auprès des nations autochtones, des gouvernements, des entreprises et d’autres émetteurs potentiels
- Collaborer avec les populations autochtones, les gouvernements, les émetteurs et les organisations à but non lucratif pour former une coalition sur une base volontaire et trouver des sources de financement pour l’élaboration de principes/normes
Mesure 2 : Développer les normes et la structure de gouvernance
- Solliciter un vaste éventail de voix autochtones pour élaborer les principes fondamentaux
- Créer un secrétariat dirigé par des autochtones pour diriger l’élaboration de la norme avec :
- un groupe consultatif autochtone chargé de collaborer avec les détenteurs de droits et les organisations autochtones pour développer les principes du CPLE et de la DNUDPA; et
- un groupe consultatif technique chargé de collaborer avec les intervenants des marchés financiers (émetteurs d'obligations durables expérimentés, investisseurs, experts du marché obligataire et de la finance durable) afin de s’assurer que les principes susmentionnés peuvent être appliqués concrètement sur les marchés et susciter un vif intérêt sur le marché.
- Tirer parti des connaissances et de l'expérience d'organisations telles que la Climate Bonds Initiative (CBI) et l'International Capital Markets Association (ICMA) pour l'élaboration de principes et de normes en matière d'obligations.
- Mettre en place un mécanisme de financement pour soutenir ce qui précède
Mesure 3 : Mettre en œuvre l’émission initiale d’obligations comme preuve de concept et itération
- Mettre à l’essai des émissions qui tiennent compte des principes/normes applicables, notamment celles des émetteurs qui préconisent la DNUDPA et ont obtenu une cote de qualité ou ont le potentiel de le faire. Par exemple :
- Emprunts fédéraux ou provinciaux affectés à des fins autochtones
- Financement de la Couronne dont le produit est affecté à l’emprunt autochtone
- Nations empruntant pour investir des obligations ou des actions dans des projets de la Coalition pour les grands projets des Premières Nations
- Emprunts de nations et de sociétés pour les grandes infrastructures (par exemple, les lignes de transmission)
- Nations empruntant pour le développement immobilier et le logement
- Nations empruntant pour l’achat d’actifs garantis de haute qualité
- Rachat par des groupes autochtones d’entreprises solides affichant un potentiel de croissance dans les grands projets ou la chaîne d’approvisionnement
- Emprunt par une banque de développement existante, des institutions financie`res de la Couronne ou une éventuelle banque de développement autochtone
- Mettre à l’essai des titres obligataires émetteurs émergents, y compris des institutions de soutien en mesure de regrouper les besoins de financement autochtone (par exemple, en s’appuyant sur le succès de l’AFPN)
- Développer un écosystème de fournisseurs de deuxièmes avis de tiers
- Passer en revue et amender les principes au fil de leur évolution
- Si ces mesures sont fructueuses, le secrétariat autochtone pourrait évoluer en un organisme de normalisation plus vaste dirigé par des autochtones, qui donnerait des conseils sur les rapports financiers et les normes comptables durables, au-delà des obligations durables autochtones.
- Certaines composantes des principes des obligations durables autochtones pourraient être utiles pour définir les principes clés ou les pratiques exemplaires à adopter en matière d'obligations autochtones plus générales.
Appel à l’action
Nous vous invitons à :
- Intervenir : faites-nous part de votre rétroaction et formulez des recommandations relativement à ce concept
- Interagir : partagez le présent article et les idées qui y sont proposées, parlez de nous à des parties prenantes et contribuez au changement
- Participer : Communiquez avec nous à [email protected] pour nous faire part de vos commentaires, recevoir des mises à jour sur ce concept, participer à des événements à venir et manifester votre intérêt.
Pour une analyse complète des défis et des possibilités en matière de financement autochtone, veuillez consulter notre document de réflexion complet par Geordie Hungerford, Président de la table ronde, et Monika Freyman, Vice-présidente, Investissement durable.